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17.05.23
Anim / Game
Alumni
LISAA Animation & Jeu Vidéo Paris

« Être Game designer, c’est se mettre au service des autres » Entretien avec Romane Rokotovao, Game designer et intervenante à LISAA

Game designer, Narrative Designer, VR ergonomiste, World builder, UX designer, Romane Rokotovao a de nombreuses casquettes. Passionnée et compétente, cette diplômée de LISAA en Game 2D est aussi aujourd’hui intervenante à l’école. Elle nous raconte son parcours, le métier de game designer et les évolutions du jeu vidéo, entre média interactif et œuvre d’art. Entretien.

Quel est votre parcours ?

J’ai fait mes trois années de bachelor à LISAA et j’ai fait partie du projet qu’a sorti Drop Tail. Après ce projet-là j’ai décidé de me réorienter en Game design mais LISAA ne proposait pas cette formation donc je suis allée chez ISART. Pendant 4 ans, j’ai fait beaucoup de stages et d’alternances, ce qui m’a permis de me spécialiser en Mobile VR et en Robotique Sociale. Ensuite je suis partie au Japon pendant 5 ans pour défendre une thèse sur le Game design et les compétences émotionnelles. Quand je suis revenue en France j’ai continué de travailler en freelance, avec des clients comme Little Ship, Back Light Studio pour de la VR et Uncharted Tools. En 2023, j’ai décidé de me consacrer à l’enseignement et je suis devenue coordinatrice à 3IS et intervenante à LISAA et ISART.

Qu’est-ce qui vous décidé à choisir LISAA ?

La pluralité que proposait cette école. A l’époque je ne savais pas encore ce que je voulais faire, dans quel domaine du jeu vidéo je voulais travailler. Je ressentais juste cette envie de toucher un peu à tout. J’ai fait plusieurs rencontres avec les étudiants de LISAA et j’ai fait la visite de l’école que j’ai beaucoup appréciée. C’est vraiment le fait que l’on puisse toucher à tout et pas seulement au Game design qui m’a fait choisir LISAA. J’ai, par exemple acquis, des notions d’histoire de l’art et amélioré mon niveau de dessin, ce qui m’aide à transmettre des intentions, présenter des concepts et à discuter avec mes collègues artistes de manière beaucoup plus fluide.

Votre plus beau souvenir à LISAA ?

Je me rappelle qu'il y a une salle dans les locaux de LISAA Moisant où l'on peut dessiner sur les murs. De base les cours de morphologie dans cette salle étaient vraiment géniaux, je les recommande à tout le monde. Tous les ans aux portes ouvertes on a l'occasion de faire des fresques en commun. C'était amusant parce que de la deuxième à la troisième année c'était le moment où j'étais heureuse de voir que je progressais et que j'avais de plus en plus de facilité à comprendre ce que je faisais. C'est là où je me suis rendu compte que mon niveau s'était grandement amélioré. Du coup, j'étais assez fière de faire partie de ça et d'avoir mes dessins en grand sur le mur, même si on sait que ça ne va pas rester 100 ans. Je suis contente car j'ai réussi à laisser ma trace en quelque sorte. J'ai plein de petits souvenirs comme ça. 

Pouvez-vous nous parler du métier de Game designer ?

Un autre nom du Game designer c'est concepteur pédagogique. On n’est pas des ingénieurs mais on utilise des méthodes et des logiques pour essayer de comprendre l'esprit humain et voir comment notre joueur va réagir à ce que l'on va lui présenter dans tous les domaines, que ce soit physiquement ou cognitivement. Notre rôle c'est également de servir de colonne vertébrale et de se mettre au service des autres corps de métiers pour essayer de combiner les différentes visions de tout le monde et d'en faire une vision commune. Game designer c'est vraiment un mélange de psychologie, d'ingénierie et de mathématiques.

En fait c'est un peu un mélange de tous les différents aspects du jeu vidéo

Oui c'est un métier qui demande d'avoir une vision globale de ce qui va impacter le consommateur. On parle d'œuvre d'art et de produit en même temps. On essaye de bien comprendre l'impact que l'on aura quand on prendra la moindre décision. Et lorsqu'on se met d'accord avec nos collègues, il faut alors essayer de comprendre leur langage et leur faire confiance afin de trouver la synergie qui fera que le jeu aura une utilité. 

Qu’est-ce qui vous plait dans votre rôle d’intervenante à LISAA ?

Depuis ma formation, il y a la filière Game design qui a été créée et je suis très contente de la direction que LISAA a prise. Quand on s'est recroisés avec Xavier Puchol, le directeur, on s'est dit qu'il y avait beaucoup à transmettre, notamment la philosophie derrière l'attitude que l'on doit avoir quand on est un Game designer. Le Game designer n'est pas un petit chef. Ce n'est pas celui qui doit écrire le scénario et après tout le monde doit s'en contenter. Être Game designer c'est se mettre au service des autres. J’aime bien dire aux étudiants qu’un jeu peut être nul de trois manières : soit il est moche et c'est la faute du graphiste, soit il bug et c'est la faute du programmeur, soit il est nul et c'est la faute du Game designer [rires]. De manière générale on essaie aussi de faire comprendre aux élèves qu'il n'y a pas que le jeu sur console qui existe, il y en a sur beaucoup d'autres plateformes.

Quels sont vos projets pour le futur ?

Alors, comme je suis freelance je travaille pour plusieurs clients, mais essentiellement je travaille beaucoup avec le studio Backlight sur des projets. On essaie de voir si on peut obtenir des financements pour créer les projets. Généralement on se rejoint en équipe sur une période avec eux et c'est un peu comme ça que ça se passe. Ça m'arrange d'être sur plusieurs projets en même temps, car on peut très vite s'ennuyer quand on est Game designer.

Au fil du temps, vous avez pu observer les évolutions du monde du jeu vidéo, quel est pour vous le jeu vidéo de demain ? 

Je dirais d’abord que le rapport au jeu vidéo n'est aujourd'hui plus du tout le même qu'il y a 3 ou 5 ans. Aujourd'hui beaucoup de gens parlent de metaverse, mais cela existe depuis 40 ans en fait. World of Warcraft existait déjà. À cette époque le gameplay était beaucoup plus axé sur le ressenti et la nature sociale des gens. On essayait de comprendre comment faire pour que les gens se retrouvent dans des espaces sociaux. Il y avait à la fois le côté jeu et en même temps le côté internet. C’était un rassemblement social dans lequel les jeux étaient des plateformes et donc les gens devenaient plus créatifs. 

Ensuite, le deuxième point, c’est qu'il y a quelques années, 90 % des jeux avaient une mécanique de combat, 9 % étaient sportifs ou compétitifs, et le 1 % restant était composé de jeux de puzzles ou de jeux de poney et de princesse. Aujourd'hui, grâce à l'explosion des jeux créés par des indépendants et des compagnies, il y a eu plein de choses qui se sont passées. Il y a des créateurs de jeux vidéo qui ne viennent pas de cette génération et qui pensent qu'il faut que tous les joueurs soient des hardcore gamers. Maintenant on se demande ce qu’on a d’autre comme vocabulaire de l’expérience humaine qui ne soit pas de la violence, de la compétions ou de la confrontation et comment on peut les utiliser dans les jeux. Et d’ailleurs ça se reflète aussi dans le cinéma et les séries d’aujourd’hui. Il n'y a plus gentils ou méchants, on essaie de comprendre. Le jeu vidéo a une histoire très courte et nous sommes en train de commencer à voir son potentiel.

Donc aujourd'hui, on s'oriente plus vers des jeux qui mettent l'accent sur l'humain ?

Oui, et surtout, nous voulons que les gens prennent position et qu'ils arrêtent de dire que les jeux vidéo sont amoraux ou ne racontent rien. Au contraire le jeu vidéo prend une place de média interactif et d'œuvre d'art. On ne raconte pas la même histoire lorsque l'action principale consiste à appuyer sur une gâchette ou quand l'action principale consiste à avoir des dialogues avec des animaux tout mignons.

Quel est votre jeu vidéo préféré ?

Journey sans aucun doute. J'adore y jouer et c'est l'un des rares jeux auquel je joue toujours de temps en temps. C'est surtout l'un des premiers jeux qui a été présenté comme une œuvre d'art, le premier jeu où les gens se sont dit que le jeu vidéo pouvait être un art. Depuis il y a eu plein de jeux qui ont fait mieux mais cela reste l'une des pierres angulaires de l’utilisation de gameplay pour parler de l'empathie et être dans le sensoriel. S'il n'y avait pas eu Journey et s'il n'avait pas eu autant de succès à ce moment-là, on n'aurait jamais eu tout ça.

Projet suivi par
Fahim Boukhelifa
Directeur des programmes Animation
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