Entretien avec Poline Harbali, plasticienne et illustratrice // LISAA Alumni
Poline Harbali est diplômée 2014 de LISAA Paris en Design graphique. D’origine franco-syrienne, cette jeune artiste mêle les médiums pour raconter son histoire et l’Histoire.
LISAA : Peux-tu nous retracer ton parcours depuis LISAA ?
Poline : J'ai commencé à travailler comme illustratrice pour Le Monde lors de ma dernière année de formation en Design graphique à LISAA, mon travail avait été recommandé par l'illustratrice Isabel Espanol. Depuis, je travaille toujours avec eux. J'ai également illustré plusieurs livres avec les éditions du Trésor, pour un public adulte, mais aussi pour Larousse et Bayard.
Depuis mes études, je me suis principalement concentrée sur mon travail plastique, qui a été publié par la revue de photographie européenne The Eyes, grâce au photographe Guillaume Lebrun, puis par l'Œil de la photographie. S'en sont suivies plusieurs expositions à la galerie Intervalle, la galerie Sophie Lanoë, la JABAL et à la section jeunes artistes de la Beirut Art Fair (Liban) notamment.
Comment définirais-tu ton travail ?
Le medium que j'utilise évolue avec mes recherches. Je n'isole pas mon travail d'illustratrice qui, pour moi, nourrit sur un autre terrain mon travail plastique.
Disons que la valeur et la définition que j'attribue à mon travail évolue en même temps que lui. Je suis principalement plasticienne, ce qui comprend la photographie, le dessin, la broderie mais aussi de plus en plus la sculpture et la vidéo.
Le medium que j'utilise évolue avec mes recherches. Je n'isole pas mon travail d'illustratrice qui, pour moi, nourrit sur un autre terrain mon travail plastique. On y parle du monde et de ses mutations, et pour moi, tout ça communique. Ce qui m’intéresse, c’est créer du lien entre les choses et non les segmenter.
Quels sont tes thèmes de prédilection ?
À l’origine, mon travail d'investigation était plutôt d'ordre existentiel : je partais de ma petite histoire personnelle, à laquelle je donnais des formes plastiques à défaut de la comprendre intellectuellement. Depuis évidemment, mon propos s'est étoffé, je ne reste pas figée dans le passé bien qu'il soit toujours mon point de ralliement, mon intuition sensible. Je suis un sujet donc je travaille avec ce que j'expérimente. Tout ça évolue assez vite.
Actuellement, je réfléchis formellement aux identités nationales obsolètes, notamment pour la première génération des enfants issus de l'immigration. Je me demande si les segments en termes de nation sont pertinents, avec ce grand mouvement d'exode et de migration qui parcourt le monde. Comment se définit-on soi-même ? Comment est-on défini par les autres, et institutionnellement ? Comment gérer les contradictions et paradoxes des cultures mixées dus à l'immigration ? Je travaille beaucoup sur le "nous" qui se durcit ces temps-ci. Qui est ce "nous" ? Qui inclue-t-il et qui exclue-t-il ?
Qu’est-ce qui t’inspire ?
Je suis très inspirée par la lecture. C'est ma principale source d'inspiration, le langage, le vocabulaire.
Je suis très inspirée par la lecture. C'est ma principale source d'inspiration, le langage et le vocabulaire. Les mots ont un grand pouvoir sensoriel en moi.
Récemment, je me suis plongée dans Wajdi Mouawad, qui travaille sur la relation qu'entretiennent secrets de famille et mutation politique. Comment la grande histoire du monde, dont le point culminant est la guerre, sépare et transforme les histoires personnelles, individuelles. Comment le politique crée les monstres, plus que les individus eux-mêmes.
J'ai aussi beaucoup lu Olivia Rosenthal. Je suis inspirée par beaucoup d'artistes visuelles évidemment, Mona Hatoum, Anna Boghiguian, Yto Barrada, Kiki Smith. Beaucoup de contemporain. L'art traduit pour moi une réalité sensuelle avant qu'elle soit intellectualisée. C'est une intuition sur un mouvement.
Quels sont tes prochains projets professionnels ?
Je fais partie de la sélection du jury de la nouvelle édition du festival de photographie européenne Circulation(S) qui se tient tous les ans au Centquatre. Cette année, ce sera de janvier à mars.
J'ai aussi été sélectionnée avec trois autres artistes par le Centre Photographique de Fontfreyde à Clermont-Ferrand, où je présenterai ma série de photo "Le Damas des autres" accompagnée de broderies de cheveux, vidéo et sculptures de mars à juin 2017. Et à partir de Mars, je m'envole pour le Canada pour poursuivre d'autres projets, affaire à suivre !